Les dérives de l'ultra fast-fashion

Une veste à moins de 7 euros, des tennis à 5 euros, un T-shirt à 2 euros !! Certains sites de vente en ligne proposent des vêtements et chaussures à des prix incroyablement bas et la tentation de les acheter est d’autant plus forte que l’on est constamment sollicité par leurs publicités et offres promotionnelles. Mais au final, pourquoi les acheter si on n’en a pas besoin ? Et comment est-il possible de vendre des articles à des montants aussi dérisoires ? Est-ce une si bonne affaire ? Quelles sont les contreparties de ces pratiques commerciales ? Lumière sur les dérives de ce que l’on nomme l’ultra fast-fashion…

Plusieurs vêtements issu de l'ultra fashion sur cintre

Il est loin le temps où les vêtements étaient vendus uniquement en magasins, où le renouvellement des collections suivait le rythme des saisons et où il fallait attendre les soldes d’hiver et d’été pour bénéficier de prix attractifs. Depuis, la vente en ligne s’est fortement développée, de nombreuses enseignes sont apparues en renouvelant très régulièrement leurs collections avec toujours plus de références, toujours plus d’articles, fabriqués de plus en plus loin, de plus en plus vite, de moins en moins cher et rares sont les périodes de l’année sans opération promotionnelle. Pas étonnant que l’on achète aujourd’hui plus de 7 millions de vêtements neufs par jour en France (source : Refashion sur les ventes 2022) et que la consommation européenne de textiles représente la quatrième source d’impacts sur l’environnement et le changement climatique, après l’alimentation, le logement et les transports (source : EU Strategy for Sustainable and Circular Textiles).

De la fast-fashion à l’ultra fast-fashion

On pensait que cette tendance à surproduire et surconsommer du textile avait atteint son apogée avec la multiplication des enseignes dites de fast-fashion ou mode éphémère mais c’était sans compter l’apparition il y a quelques années de nouvelles enseignes : celles de l’ultra fast-fashion. Ces plateformes de vente exclusivement en ligne proposent des articles à des tarifs encore plus bas (à partir de quelques centimes d’euro !) et renouvellent leurs collections à un rythme encore plus effréné : l’une d’elles propose plus de 7 200 nouveaux modèles de vêtements par jour et plus de 470 000 produits différents soit 900 fois plus de produits qu’une enseigne française traditionnelle (source : Proposition de loi visant à réduire l’impact environnemental de l’industrie textile) ! Et si cela ne suffisait pas pour pousser à surconsommer une mode pensée comme jetable, l’ultra fast-fashion infiltre le web et surtout les réseaux sociaux pour inciter à acheter toujours plus à grand renfort de partenariats avec des influenceurs et d’offres promotionnelles. Une de ces enseignes est même allée jusqu’à proposer des jeux permettant à leurs clients d’obtenir des récompenses si leur entourage téléchargeait l’application d’achat en ligne. L’UFC-Que Choisir, en coordination avec 24 autres organisations de consommateurs dans 21 pays et le Bureau Européen des Unions de Consommateurs, a alerté en juin 2025 la Commission européenne et la DGCCRF sur des pratiques qui incitent de manière déloyale à surconsommer via l’usage d’interfaces digitales pour orienter, contraindre ou tromper les consommateurs, les amenant ainsi à des décisions d’achat qu’ils n’auraient pas prises en l’absence de ces procédés manipulatoires.

Tas de vêtements et textiles jetés dans une décharge au coucher du soleil

Le revers de la médaille

Cette mode ultra éphémère, qui conjugue augmentation des volumes, prix dérisoires, création de pulsions d’achat et besoin constant de renouvellement n’est pas sans conséquence…

Sur les plans social et éthique, les premières victimes pourraient bien être les employés de ces enseignes. Si la fast-fashion s’était déjà illustrée pour ses conditions de travail indignes avec notamment l’effondrement du Rana Plaza en 2013 au Bangladesh faisant plus de 1 100 morts et 2 500 blessés graves, l’ultra fast-fashion ne semble pas en reste. Une enquête réalisée pour l’organisation Public Eye en 2021 auprès d’employés dans des ateliers de fabrication révélait qu’ils étaient payés à la pièce, n’avaient pas de salaire minimum garanti ou de bonus pour les heures supplémentaires, ni même de contrat de travail ou de cotisations versées à la sécurité sociale… Dans un documentaire britannique diffusé en 2022 sur Channel 4, on découvrait que certaines usines payaient leurs couturières l’équivalent de quelques centimes d’euro par vêtement et qu’elles pouvaient travailler jusqu’à 18 heures par jour ! Une autre enquête menée dans le cadre d’un reportage produit par Capa Presse et diffusé sur france.tv début 2025 faisait également l’amer constat d’une cadence de travail infernale dans des ateliers de fabrication situés à Canton et de la nécessité pour les ouvriers de devoir travailler 75 à 80 heures par semaine pour obtenir un salaire décent.

De plus pour tenir les rythmes de production et optimiser au maximum les coûts, le pétrole a pris une place de choix parmi les matières premières de l’ultra fast-fashion, transformées à l’aide de produits chimiques considérés dangereux par l’Union Européenne, sous forme d’additifs aux matériaux plastiques utilisés pour la fabrication des textiles. Une analyse réalisée en 2022 par le laboratoire indépendant BUI sur 47 articles issus de l’ultra fast-fashion et diligentée par Greenpeace Allemagne a mené à la conclusion que près d’1/3 d’entre eux dont une robe pour enfant contenait des produits chimiques dangereux à des niveaux inquiétants. Des tests réalisés plus récemment sur un échantillon de 5 vêtements par les laboratoires de l’Institut Français du Textile et de l’Habillement ont également révélé qu’il y avait dans 4 d’entre eux des substances allergènes, irritantes ou encore des substances toxiques et métaux lourds dans des proportions pouvant dépasser très largement les limites fixées par l’Europe.

Sur le plan environnemental, les conséquences sont dévastatrices. Lorsqu’on sait qu’il faut par exemple plusieurs milliers de litres d’eau pour fabriquer un jean, l’intensité des rythmes de production de l’ultra fast-fashion est totalement incompatible avec les ressources disponibles sur notre planète mais aussi avec l’urgence à réduire les émissions de gaz à effet de serre d’autant plus que vêtements et chaussures sont acheminés massivement depuis l’autre bout du monde. Les articles fabriqués très majoritairement en matière synthétique relâchent également des microfibres plastiques à chaque lavage qui finissent dans la nature et les océans. Quant à la fin de vie de tous ces produits, leur composition très complexe rend leur recyclage extrêmement difficile qui plus est par une filière encore insuffisamment mature : seulement 1 % des tissus qui composent nos vêtements sont recyclés pour en faire de nouveaux (source : Commission européenne 2024). Aussi tous ces vêtements finissent en grande majorité comme beaucoup d’autres soit incinérés soit exportés dans des pays d’Afrique ou d’Amérique latine déjà submergés où ils s’accumulent dans des décharges à ciel ouvert polluant l’air, les eaux et les sols. Chaque semaine, plus de 15 millions de vêtements déposés dans les conteneurs à textile arrivent en Afrique de l’Ouest. Ainsi, chaque jour le Ghana reçoit 160 tonnes de textiles, souvent de piètre qualité, donc difficilement réutilisables. Selon l’organisation non gouvernementale The Or Foundation, près de 40 % de ces vêtements finissent dans les décharges à ciel ouvert de la ville ou dans l’océan et ce dans les deux semaines suivant leur arrivée (source : Proposition de loi visant à améliorer la filière du recyclage en France et lutter contre les exportations des déchets).

Enfin s’agissant de la qualité de ces vêtements fabriqués dans de telles conditions et vendus à des prix aussi bas, pas étonnant que les résultats ne soient pas toujours au rendez-vous… Des analyses menées par les laboratoires de l’Institut Français du Textile et de l’Habillement sur 6 produits ont révélé qu’après 10 lavages à des températures respectant les consignes d’entretien on pouvait constater sur 5 d’entre eux une apparition importante de bouloches, des craquelures sur les imprimés, des déperditions de couleurs, une usure des coutures ou encore un rétrécissement de la taille allant de plus de 10 % pour un pull à près de 20% pour une blouse. D’après une étude menée par l’Obsoco en 2024 auprès d’un échantillon de 4 000 personnes représentatif de la population française âgée de 16 à 75 ans, plus des 3/4 des consommateurs déclarant connaître les produits de l’ultra fast-fashion considèrent que les vêtements ne sont pas de bonne qualité. Cette proportion atteint même les 92% pour une des marques de l’ultra fast-fashion.

Les bons réflexes à adopter

Tout d’abord, avant de céder à la tentation, et ce quelle que soit l’origine du produit, je me pose les bonnes questions : en-ai-je vraiment besoin ? est-ce que je ne possède pas déjà un article similaire chez moi ? cette pièce abîmée que je souhaite remplacer ne pourrait-elle pas être facilement réparée et à moindre coût ? Et pour un besoin occasionnel, pourquoi ne pas envisager l’emprunt ou la location ?

Si mon besoin est avéré, je me détourne à tout prix de l’ultra fast-fashion. Je privilégie l’achat de vêtements à moindre impact environnemental et parmi eux ceux de seconde main qui non seulement sont bon marché mais contribuent également à la préservation des ressources ou les produits neufs porteurs de labels environnementaux qui me garantissent notamment que leur durée de vie sera plus longue.

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